Le projet des Entretiens
PREAMBULE "Savoir et Création, 23èmes Entretiens de la Garenne Lemot, Rennes, PUR, 2022."
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- Titre
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PREAMBULE
"Savoir et Création, 23èmes Entretiens de la Garenne Lemot, Rennes, PUR, 2022." - Droits
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Presses Universitaires de Rennes (PUR)
Association des Entretiens de la Garenne Lemot - Date
- 2017
- Description
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L’existence des Entretiens de La Garenne Lemot repose sur une idée – voire un thème – le retour à l’Antique et la transmission de l’héritage gréco-latin.
C’est l’idée d’un philologue qui, comme c’est sa mission, s’interroge sur le rapport de ses contemporains et de l’Antique. Il n’est pas dit que ceux-là dussent s’intéresser à l’Antique ; mais s’ils le font, il est du devoir du philologue d’essayer de mesurer les pertes et les gains.
Il est temps, écrivait déjà Humboldt à Goethe, de mesurer la distance avec l’Antique. Le XVIIIe siècle est un bon moment pour prendre un analogon, une référence. Les gens du XVIIIe siècle ont oublié beaucoup, mais ils recherchent et retrouvent des passages. Réfléchir sur la mesure qu’ils ont prise de la distance avec l’Antique est une bonne ascèse pour comprendre les problèmes que nous avons avec l’Antique.
Il faut qu’une idée s’incarne. Nous avons la chance d’avoir, dans notre voisinage, la propriété néo-classique de La Garenne Lemot. Nous avons la chance d’habiter une ville marquée par le XVIIIe siècle et le néo-classicisme. Il est « naturel » de réfléchir sur ce thème général du retour à l’Antique dans ces lieux qui prêtent en même temps leur beauté.
Il faut aussi, pour ces Entretiens, un rythme ; l’inscription dans le temps, la répétition. Ce sont des Entretiens annuels.
Les sujets des Entretiens doivent être généraux ; mais les communications sont faites sur des questions précises, et sont l’œuvre des meilleurs spécialistes internationaux. Du point de vue de l’Université, il se trouve que le thème général des Entretiens intéresse les antiquisants, les linguistes, les historiens des sciences et des idées, les philosophes et les historiens de l’art. Les Entretiens sont essentiellement interdisciplinaires. » (Préambule des Statuts de l’Association « Les Entretiens de La Garenne Lemot », créée le 11 mars 2004).
"Ces Entretiens sont attachés à un lieu, qui leur donne leur nom : La Garenne Lemot, une villa néo-classique, aux bords escarpés de la Sèvre, dans l’évocation de la Toscane. En cet endroit on peut parler de beauté et de grâce, mais aussi (…) de tolérance et d’amitié (…). Le lieu est essentiel. Il communique un charme et une grâce qui ouvrent à la beauté. Il engage à l’absence de raideur que nous avons rêvée, chacun à travers nos disciplines et nos imaginaires. » (Les arts, 4e de couverture)
Ces Entretiens ont eu lieu jusqu’en 2003 dans le cadre universitaire, financés essentiellement par les dotations que Jackie Pigeaud recevait dans sa qualité de membre senior de l’Institut Universitaire de France et grâce à l’investissement sans faille de Madame Danièle Daviet, secrétaire de l’Institut de Lettres anciennes de l’Université de Nantes, le Conseil départemental de Loire Atlantique ayant mis gratuitement à la disposition de ces Entretiens les merveilleux lieux du domaine de La Garenne Lemot, la Mairie de Nantes accueillant les participants pendant un après-midi. Ces Entretiens se sont ensuite poursuivis sous la responsabilité de l’Association « Les Entretiens de La Garenne Lemot», toujours grâce au soutien de l’Université (spécialement du Laboratoire « L’Antique, le Moderne – L’AMo »), du conseil départemental de Loire Atlantique et de la Mairie, mais aussi, pendant quelques années du Conseil Régional des Pays de la Loire et de la Société Générale de Nantes. C’est à partir de ce moment qu’Alfrieda Pigeaud a pris en charge leur organisation, avec l'aide efficace et généreuse de Françoise Heuzé. - Il y a toujours eu un moment musical pour clore ou ouvrir les Entretiens, c’est notamment Gisèle Pommier qui a offert aux participants pendant dix ans un récital de piano inspiré du sujet des Entretiens, d’abord à La Garenne Lemot, ensuite au Conservatoire de Nantes, tradition reprise ensuite par Pierre Maréchaux et Brenno Boccadoro.
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Remerciements :
Pendant ces 23 années nous avons profité d’un accueil attentif et cordial de toutes les personnes travaillant au Domaine de La Garenne Lemot et nous tenons à leur exprimer toute notre gratitude; sans leur soutien efficace et amical ces Entretiens n’auraient pas pu se poursuivre si harmonieusement.
Hommage de Philippe Heuzé à Jackie Pigeaud
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- Titre
- Hommage de Philippe Heuzé à Jackie Pigeaud
- Droits
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Philippe Heuzé
Association des Entretiens de la Garenne Lemot - Date
- 16 novembre 2016
- Description
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« Nous perdons un être d’exception, par ce qu’il était, et par l’œuvre qui existe grâce à lui. Déjà en khâgne, nous savions tous qu’il ferait de grandes choses, sans imaginer la forme originale qu’il trouverait pour elles ...
Je ne peux présenter ici l’apport de sa pensée, ni son écho considérable, mais essayer plutôt de rappeler ce qu’a d’exceptionnel la démarche inventée par sa personnalité intellectuelle hors norme, par ses capacités, sa puissance, son audace et peut-être surtout sa sensibilité.
Mais d’abord priorité à l’intelligence, à l’intelligence généreuse. Si la connaissance humaine se subdivise en mille cantons, dont chaque spécialiste est enclin à faire son domaine réservé, la pensée créatrice transgresse les frontières de papier. C’est ce que Jackie a fait entre les temps et les catégories patentées du savoir. Ainsi, philologue au sommet de l’érudition, capable d’étudier de la façon la plus minutieuse et la plus savante trois vers d’un fragment, il saura en philosophe, les éclairer de la connaissance capitale, intime de la pensée des présocratiques, des stoïciens ou d’Epicure. Le passionné de théâtre antique, et d’Euripide en particulier, trouvera dans le rapprochement avec l’immense corpus médical des Anciens le filon qui conduit à la Maladie de l’âme, son premier chef d’œuvre.
Tous ces textes débusqués, scrutés, magnifiés sur la très longue durée sont disposés dans un sens par Jackie, aller vers la poésie et son énigme (L‘art et le vivant). Tout commence avec la poésie grecque, Homère bien sûr, et Hésiode, et Sappho et tous les autres, les poètes latins, surtout le Virgile des Géorgiques, et Horace qu’il aimait tant ; tous les chapitres de l’histoire jusqu’à nos jours consubstantiellement solidaires : « il faut toujours interroger l’Antiquité par les Modernes, et les Modernes par les Anciens. » Voilà la leçon que nous donne cet esprit vraiment supérieur dont toute l’œuvre apporte une réponse capitale aujourd’hui à cette question des Anciens et des Modernes qui est en train de redevenir une querelle.
Citer ces mots en cet instant, c’est rendre un hommage nécessaire à ce qu’a été la vie de Jackie Pigeaud.
La vie et l’œuvre, l’œuvre et l’homme ; cette distinction binaire fournit le plan de beaucoup de biographies. Dans le cas de Jackie, elle n’est pas adaptée. L’activité de chercheur n’occupe pas une partie de son existence tandis que l’autre, autonome, vaquerait aux occupations banales d’un homme de son temps. Pour lui, la pensée, c’est la vie même, et elle prend son essor dans les grands textes autant que dans la contemplation des choses de ce monde.
La barque qui va sur le canal vendéen est celle d’Héraclite (je le cite...) et le plant de légumes dans l’humble jardin pose toutes les questions du vieillard de Tarente, du stoïcisme et de Pythagore, celles de la beauté aussi, qui peut naître de l’ordre mis dans les choses. Cet aspect est capital. Les édifices de cette recherche n’ont rien d’élucubrations abstraites, quand bien même elles sont, comme on dit, très pointues ; elles partent de la vie, du vivant et reviennent à eux. Le mouvement de cette pensée possède un élan qui galvanise, et il faudrait faire l’éloge du langage et du style : vigueur, liberté, bonheur du langage qui transporte alors même qu’il feint d’être négligé : le style, c’est l’homme. »
Philippe Heuzé,
| Paroles prononcées lors de la cérémonie en hommage à Jackie Pigeaud le 16 novembre 2016.|
- Médias
Portrait_Jackie_PIGEAUD
Baldine Saint Girons - "Les 22 Entretiens et la logique de leur développement à travers les contributions de Jackie Pigeaud 1994 – 2015. " - (p.155-156)
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- Titre
- Baldine Saint Girons - "Les 22 Entretiens et la logique de leur développement à travers les contributions de Jackie Pigeaud 1994 – 2015. " - (p.155-156)
- Description
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Pour une orientation rapide dans la IIIème Partie du site, "Consulter les Entretiens", nous en proposons un plan possible, tel que l'établit Baldine Saint Girons, et renvoyons à son article, « Les 22 Entretiens et la logique de leur développement… » publié dans le dernier volume des Entretiens, Savoir et création – Autour de l’œuvre de Jackie Pigeaud, (p. 155-174).
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Plan_possible_des_Entretiens
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« Ce qui m’intéresse », aimait à répéter Jackie Pigeaud, « c’est le moment où les discours se différencient à partir d’une problématique commune ». L’important était de tenir ensemble l’un et le deux, l’un et le multiple, en repérant les instants périlleux où s’effectuent le partage et la différenciation. Tout était question de kairos, d’articulation d’espaces-temps, de joint propice. Et pour s’orienter dans le labyrinthe des questions, il importait de ne jamais oublier ce malaise vécu au jour le jour qui tient à l’inadéquation foncière du rapport de soi à soi-même. Séparer les maladies de l’âme des maladies du corps, avait-ce été, était-ce une bonne affaire ? S’enfermer dans sa spécialité, séparer les disciplines, était-ce ou non une fin en soi ?
Sachant la tournure mélancolique que prenaient inévitablement les opérations de l’esprit, Jackie Pigeaud s’appliqua à développer sa pugnacité sur tous les fronts. Il lui fallait non seulement unir la poésie à la science, la précision à la profondeur et la volonté au rêve, mais la recherche individuelle à la recherche collective. Point d’isolement, mais un travail sans cesse actualisé, renouvelé, où « traduire » concentrait les efforts. Tout jeune, déjà, Jackie Pigeaud rêvait de donner une nouvelle version française de Lucrèce, en lui prêtant son sang, tandis que son ami de toujours, Philippe Heuzé, voulait rendre le même service à Virgile. Missions accomplies pour tous deux, comme on sait, dans la Bibliothèque de la Pléiade.
Choisir les bons relais, ne pas perdre le chemin de son rêve, réussir à faire un travail de fond avec ses amis, tels étaient les impératifs. Pour réaliser son œuvre collective majeure, étalée sur vingt-cinq ans, et pensée de bout en bout par lui, Jackie Pigeaud pouvait compter sur l’appui de « ma femme », Alfrieda, et de proches de longue date : presque la moitié des intervenants ont participé aux Entretiens du début jusqu’à la fin, c’est-à-dire pendant près d’un quart de siècle ! Le lieu fut le premier choisi : La Garenne-Lemot, un rêve de Toscane réalisé en pleine Vendée. Et bientôt, la première fois en 2.000, et, ensuite à partir de 2003, pour ne plus discontinuer, les Presses universitaires de Rennes se chargèrent d’éditer nos Entretiens dans leur belle collection «Interférences ».